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Pour parler aux générations Y et Z, il faut briser la work culture

Samuel a 29 ans. Il en est à son 6e emploi en 10 ans. Partout où il est passé, toujours la même cassette : des entreprises aux prises avec la réunionite aiguë, des horaires de travail inflexibles, des discours sur le fait qu’un jeune doit se calmer et ne pas penser brûler les étapes, des politiques plus vieilles que lui à respecter, des grilles salariales figées, des gestionnaires qui observent par-dessus son épaule, une hiérarchie à ne JAMAIS remettre en question et le même buffet d’avantages sociaux… pas toujours aussi avantageux qu’on le laisse entendre.

Samuel en est à son 6e emploi, mais est à la recherche de son 7e. Il a 29 ans, il fait partie de la génération Y et son souhait le plus cher, ce n’est pas de recevoir une montre en argent de la part d’un PDG qui ne connaît pas son nom après 35 ans de carrière. Samuel veut un monde du travail à son image. Samuel veut briser la « work culture ».

On taxe les générations Y et Z d’être « des enfants rois », « des jeunes qui ont tout cuit dans le bec » ou de façon plus savoureuse encore, « des gens qui n’ont pas été habitués à travailler dur dans la vie ». On oublie vite qu’on les observe et les juge en fonction des lunettes du passé, influencées par une culture du travail qui les aura ironiquement conduit à se révolter contre ce qu’on leur offre.

Aujourd’hui, les Y et les Z ont le gros bout du bâton. Les employeurs se doivent de les séduire, au risque de voir leur croissance freinée, voire leur survie menacée. Pour attirer l’attention des jeunes talents, il faut une foule de choses, mais surtout, il faut revoir la culture du travail.

Osée comme proposition? Peut-être pas autant que vous le croyez.

La « work culture », elle part d’où?

Nous n’avons pas à retourner bien en arrière pour comprendre d’où vient cette culture du travail. Il n’y a pas si longtemps encore, la raison première qui poussait les gens à se rendre au travail, c’était l’argent. On ne cherchait pas à avoir un impact sur notre communauté, ni à donner un sens à notre vie, à s’améliorer ou encore à apprendre. On voulait d’abord et avant tout gagner notre pain. Et ça éclipsait toutes les autres motivations.

Les premiers métiers, surtout manufacturiers, de même que les autres catégories d’employeurs, ne cherchaient pas à rendre l’expérience du travail agréable. On souhaitait surtout atteindre nos quotas de performance et produire le plus possible. L’organisation du travail (taylorisme) et l’automatisation de certaines tâches sont venues ajouter une couche à cet environnement où la performance est reine. C’est là qu’est née la « work culture ».

« Work culture », non pas dans le sens de culture d’entreprise, mais dans le sens de culture du travail impersonnel, de la surcharge et de la performance. Vous voulez un exemple? Pensez à l’employé de bureau qui bûche des heures durant pour obtenir promotion par-dessus promotion, parfois au détriment de sa vie personnelle. Pensez aussi à cet autre employé qui fait son épicerie sur son téléphone, sur son heure de dîner, pour être certain de pouvoir en donner un peu plus à son employeur pour être bien vu. Ou encore à ces logiciels qui détectent si vous avez été inactif trop longtemps sur votre ordinateur.

Générations pivot

On n’a jamais autant parlé d’une nécessité de revoir nos façons de faire en termes d’expérience employé que depuis les deux dernières années. Il faut dire que l’on ressent bel et bien l’effet de l’arrivée en puissance des générations Y et Z, qui bousculent plusieurs certitudes sur le marché de l’emploi. Le contexte leur est d’ailleurs favorable avec cette pénurie de main-d’œuvre qu’on voit durer jusqu’en 2030.

L’histoire nous démontre qu’il est normal que nos motivations par rapport au travail évoluent selon les enjeux du moment. Dans le contexte actuel, il ne faut donc pas être surpris de voir des revendications sur des sujets tels que l’environnement, la santé mentale, ou encore l’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Ce qui devrait plutôt nous surprendre, c’est de constater le mutisme et l’immobilité de nombre d’entreprises à l’égard de ces revendications. Devons-nous rappeler que les Y et les Z forment les générations les plus instruites de l’histoire. Dans le contexte que l’on connaît, elles sont suffisamment clairvoyantes pour reconnaître une opportunité à saisir par rapport à leurs employeurs. Non pas pour profiter des employeurs, mais plutôt pour profiter d’un rapport de force leur permettant d’adapter leur environnement de travail à leurs besoins.

L’idée n’est pas de glorifier les générations Y et Z au détriment des générations qui les ont précédées, mais plutôt de les positionner dans leur contexte en termes de force d’influence sociale et professionnelle. S’il y a un groupe qui peut agir de pivot provoquant un changement important sur le marché de l’emploi et offrir une réelle chance de sortir de la « work culture », c’est bien celui-là.

Quels chantiers entreprendre pour s’assurer d’attirer l’attention des Y et des Z?

Il serait facile de se laisser emporter par le sujet et de tomber dans l’approche de la table rase, mais ce serait injuste pour plusieurs choses de grande valeur qui ont été mises en place par les X, les boomers et ceux qui sont venus avant. Cependant, trois chantiers pourraient être lancés dans une foule d’entreprises sans avoir à investir trop de temps ou d’argent, avec pour résultat d’offrir un environnement beaucoup plus attirant aux yeux de la relève.

Confiance

Certains employeurs présentent le télétravail comme un privilège qui peut être retiré à tout moment si l’on a des doutes sur la performance de l’employé. Pire, on fait souvent dans les doubles standards. Les juniors n’ont pas les mêmes privilèges que leurs aînés ou que leurs gestionnaires, parce qu’on craint qu’ils en abusent. N’est-ce pas là un signe de déficit de confiance? Depuis quand les seniors ont-ils le monopole de la fiabilité en entreprise?

Une bonne façon d’attirer et de retenir la relève, c’est justement de lui faire confiance. Commencer par accorder sa confiance dès le départ est une bonne façon de mobiliser ses jeunes talents. Laissez tomber les logiciels qui espionnent le niveau d’activité de vos gens. Oubliez un temps soi peu l’idée du traditionnel punch in ou des rencontres à 15 h 30 pour s’assurer que la personne est encore au boulot. Ce n’est pas parce qu’on ne voit pas un employé travailler qu’il est en pause ou qu’il abuse de la confiance de son gestionnaire. La présence obligatoire au bureau, la réponse aux courriels dans la minute ou encore le mythe de la personne toujours occupée, doivent devenir choses du passé. Les Y et les Z savent trimer dur. Il faut seulement leur donner l’espace et la confiance pour qu’ils vous en fassent la démonstration.

La fin du one size fits all

Tout dans le quotidien des générations Y et Z a été construit autour de l’idée qu’ils pouvaient, comme individus, personnaliser l’ensemble des choses qu’ils consomment : musique, télévision, médias sociaux, applications mobiles, paramètres de leur ordinateur, vêtements, etc. La « work culture », c’est une culture qui tourne autour de la standardisation : politiques, normes, procédures, horaires, salaires, avantages sociaux. Vous souhaitez vous rendre intéressant comme employeur aux yeux d’un Samuel de 29 ans? Présentez-lui quelque chose qui lui ressemble et qui répond à ses besoins. Pas à ceux de Ginette 57 ans ou de Pierre-Luc 42 ans. Les siens. Que ce soit en créant un poste sur mesure pour lui en fonction de ses compétences et intérêts ou en mettant sur pied un programme d’avantages sociaux hyper flexibles, vous saurez capter l’attention des plus jeunes.

Coach vs boss

Votre structure ressemble à quoi? Est-ce que vous avez des directeurs, puis des gérants et ensuite des coordonnateurs et une foule d’agents? Combien de points de frictions potentiels existent entre les différents niveaux? La hiérarchie telle qu’on la connaît, c’est avoir un parent en permanence, même au bureau. Ce genre de rapport de force n’est pas très attrayant pour les jeunes générations. Une structure employé-employeur est normale, mais il y a plusieurs manières de collaborer ou de participer au travail sans se sentir brimé par son mode d’organisation. La hiérarchie, bien que nécessaire à certaines opérations, est souvent l’un des plus grands freins à la créativité et à la participation volontaire en entreprise. Pourquoi? Parce que ça rend les choses compliquées. Si on a une idée de génie et qu’on doit traverser douze paliers d’autorité pour la faire entendre, ça décourage beaucoup.

Abordez la relation selon deux prismes. D’abord, aplanissez votre structure. Les jeunes veulent sentir qu’ils ont droit au chapitre, que leurs idées sont entendues et qu’ils peuvent voir les résultats de leur implication. Les structures plus horizontales ont cet avantage. Ensuite, adoptez un changement de ton dans votre mode de gestion à l’interne. Formez vos gestionnaires pour en faire des coachs plutôt que des patrons qui dictent. L’idée n’est pas que le gestionnaire passe un temps fou dans les opérations, mais plutôt qu’il adopte un réel rôle de leader qui fait progresser tout le monde autour de lui. Les gestionnaires forment l’épine dorsale de toute organisation en santé. Ils sont les transmetteurs de la culture d’entreprise. S’ils ont une approche directive et non constructive, ils généreront un désengagement important chez les Y et les Z qui, bien honnêtement, n’auront aucun mal à se trouver un endroit qui saura les accommoder.

À retenir

  • La « work culture » ne répond pas aux aspirations des générations Y et Z.
  • Ces deux générations sont la force de travail la plus importante depuis les boomers et elle sera sur le marché pour (très) longtemps. Il faut s’adapter ou risquer le pire en entreprise.
  • Travaillez à mettre en place des stratégies visant à démontrer que vous avez confiance en le professionnalisme de vos jeunes employés. Éliminez les vieilles pratiques limitantes et libérez le pouvoir créatif et performant des jeunes. Ils vous le rendront au centuple.
  • Personnalisez vos rapports avec vos employés, surtout les plus jeunes. Ils ont été élevés dans un monde qui s’adapte à eux. Offrez-leur une expérience employé qui répond à leurs objectifs et des défis qui nourrissent leurs intérêts. Soyez flexibles.
  • Gestionnaires : adoptez la posture du coach. L’idée du patron directif qui n’est jamais remis en question éloigne les jeunes talents. Ils sont dans la co-construction, et non dans l’imposition.

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